Le Premier ministre français Sébastien Lecornu a démissionné, moins d'un jour après la présentation de son cabinet.
"Les conditions n'étaient pas remplies pour que je continue à exercer mes fonctions de premier ministre", a déclaré M. Lecornu lundi matin, et il a critiqué le manque de volonté des partis politiques de parvenir à des compromis.
Le palais de l'Elysée a fait cette annonce après que M. Lecornu a rencontré le président Emmanuel Macron pendant une heure lundi matin.
Cette décision choquante intervient 26 jours seulement après la nomination de M. Lecornu au poste de premier ministre, à la suite de l'effondrement du précédent gouvernement de François Bayrou.
Les partis de l'Assemblée nationale, toutes tendances confondues, avaient vivement critiqué la composition du cabinet de M. Lecornu, en grande partie inchangée par rapport à celle de M. Bayrou, et menacé de le rejeter.
Plusieurs partis réclament des élections anticipées et certains demandent le départ de M. Macron, bien qu'il ait toujours affirmé qu'il ne se retirerait pas avant la fin de son mandat en 2027.
"La seule chose sage à faire maintenant est d'organiser des élections", a déclaré Marine Le Pen du Rassemblement national (RN), parti d'extrême droite.
"La plaisanterie a assez duré. Les Français en ont assez. Macron a mis le pays dans une situation extrêmement difficile", a-t-elle ajouté.
La décision sur la marche à suivre appartient maintenant à Macron, qui doit certainement se demander combien de temps cette mascarade politique peut encore durer.
Trois options s'offrent à lui. Il peut nommer un autre premier ministre. Il peut dissoudre à nouveau l'Assemblée nationale. Ou il peut démissionner.
La dernière hypothèse est la moins probable, tandis que la première serait son choix naturel.
Mais qui pourrait-il nommer pour former un gouvernement ? Lecornu - l'ultime loyaliste de Macron - était considéré comme son dernier recours, mais il a lui aussi échoué.
Il pourrait nommer un socialiste, en partant du principe que la gauche mérite de participer au gouvernement - mais une administration socialiste ne tarderait pas à tomber.
La logique doit donc être celle de la deuxième option : de nouvelles élections législatives.
Le résultat serait probablement une déroute pour le centre pro-Macron et une grande victoire pour la droite dure de Marine Le Pen. Mais lorsque tous les autres recours ont échoué, il reste peu d'autres voies.
M. Lecornu, ancien ministre des forces armées, est le cinquième premier ministre français en moins de deux ans.
Dans son bref discours devant l'Hôtel de Matignon, la résidence du Premier ministre, qu'il n'occupe que depuis moins d'un mois, M. Lecornu a vivement critiqué les "appétits partisans" des factions politiques qui, selon lui, "se comportent toutes comme si elles disposaient d'une majorité absolue".
"J'étais prêt à faire des compromis, mais tous les partis voulaient que l'autre parti adopte leurs programmes dans leur intégralité", a-t-il déclaré.
"Il ne faudrait pas grand-chose pour que cela fonctionne", a-t-il ajouté, précisant toutefois que les partis devaient faire preuve de plus d'humilité et "mettre de côté certains egos".
La politique française est très instable depuis juillet 2024, lorsque M. Macron a convoqué des élections législatives anticipées pour tenter d'obtenir une majorité claire à la suite d'une défaite cuisante de son parti lors du vote au Parlement européen.
Au lieu de cela, les élections ont débouché sur un parlement sans majorité, divisé en factions idéologiquement opposées, en profond désaccord les unes avec les autres et peu désireuses de travailler ensemble.
Il est donc difficile pour un premier ministre de recueillir le soutien nécessaire à l'adoption d'un projet de loi.
Michel Barnier a été nommé premier ministre en septembre dernier, mais il a été évincé trois mois plus tard.
Le gouvernement de son successeur, François Bayrou, a été renversé au bout de neuf mois, le parlement ayant refusé de soutenir son budget d'austérité, qui visait à réduire les dépenses publiques de 44 milliards d'euros (51 milliards de dollars ; 38 milliards de livres sterling).
Le déficit de la France atteindra 5,8 % de son PIB en 2024 et sa dette publique s'élèvera à 114 % de son PIB. Il s'agit de la troisième dette publique la plus élevée de la zone euro, après la Grèce et l'Italie, et elle équivaut à près de 50 000 euros par citoyen français.
Les actions ont fortement chuté à la Bourse de Paris après l'annonce de la démission de M. Lecornu lundi matin.